MODELEVIVANT.ART

Qu’est-ce qu’un modèle vivant

...

Atelier de dessin début XXe siècle

Définition

En art, un modèle est une personne qui se laisse observer par un ou plusieurs artistes ou étudiants en vue de la réalisation d’un ouvrage ayant pour sujet tout ou partie du corps humain. Les écoles de beaux-arts ou d’arts plastiques emploient souvent des modèles dans le cadre de l’enseignement. Les disciplines artistiques qui font le plus couramment appel à des modèles sont le dessin, la peinture, la photographie et la sculpture.

Caractéristiques

Le modèle est appelé « modèle vivant » par opposition au modèle inanimé, souvent un dessin, une peinture ou sculpture.

A priori, le modèle pose nu, désigné comme « modèle vivant » ou « modèle d’art » pour affirmer l’appartenance à ce domaine, sauf indication contraire, dans ce cas il sera indiqué modèle habillé ou costumé.

...

Les Trois Grâces

Un modèle pose en vue d’un enseignement ou d’un projet artistique dont l’objet n’est pas la réalisation d’un portrait — on dit bien qu’une personne « pose pour son portrait », mais pas qu’elle en est le modèle. Les modèles, professionnels, occasionnels ou amateurs, peuvent poser habillés, costumés, le plus souvent nus, mais aussi pour leur visage, leur corps ou des parties de leur corps comme les mains, les jambes ou les pieds.

Quels que soient son sexe, sa morphologie, son âge et sa plastique, le modèle est considéré pour ce qu’il est et pour ce qu’il propose, et sa qualité de présence est essentielle. Il lui faut accepter le regard attentif, voire scrutateur, d’une ou plusieurs personnes, ce qui est peu admis dans des circonstances ordinaires, et moins encore lorsque l’on est dévêtu.

Pour les poses longues, le modèle doit être capable de rester immobile et de retrouver la pose après un temps de récupération. Pour les poses courtes qui se multiplient au cours d’une séance, il doit faire preuve de créativité et comprendre les attentes et besoins de l’artiste qui la représente et, le cas échéant, du professeur et de ses élèves.

Éducation artistique

...

École des beaux arts XIXe siècle

La nudité et l’immobilité — dans la mesure du possible — du modèle permettent une étude de la morphologie, des proportions, des volumes, des ombres, des lignes et de la gestuelle du corps humain. Le sujet et la variété infinie des morphologies et des poses possibles font de l’étude du modèle et de la représentation du corps un exercice de base dans toutes les disciplines graphiques et plastiques. Dans le dessin, par exemple, le croquis de nu est l’une des pratiques de l’apprentissage du dessin d’observation.

Le dessin de nu est considéré comme l’aboutissement de l’apprentissage artistique dès le XVe siècle, en Italie.

...

L'écorché combattant

Dès le XVIe siècle, l’enseignement artistique comprend les études d’anatomie. Les artistes de la Renaissance italienne réalisent des dessins d’après les modèles antiques et s’inspirent des théories de Vitruve pour façonner un corps idéal. Malgré la condamnation de l’Église certains artistes pratiquent même la dissection de corps humains. Les premiers exemples d’écorchés (dessins de figures humaines laissant voir les muscles) sont attribués à Léonard de Vinci.

Les séances de dessin de modèle furent institués par l’article IV des statuts de l’Académie royale de peinture et de sculpture en France (plus tard Académie des beaux-arts) dès sa création en 1648. Les peintres et sculpteurs de l’Académie élisaient en leur sein douze « Anciens » chargés d’ouvrir le cours et de mettre le modèle en position. L’apprentissage artistique commençait, pour les peintres, par la copie de dessins. Il se poursuivait avec les études de détails « d’après la bosse » (des modèles sculptés de mains, des moulages de bustes antiques, etc.), avant de passer au dessin de statues entières, et aux exercices de l’écorché. Lorsque l’élève avait acquis suffisamment de maîtrise, il passait au dessin de modèle vivant. Il abordait ensuite les dessins d’animaux (principalement, le cheval), les drapés, et, dans l’atelier d’un maître, l’étude de la couleur.

Dans l’enseignement académique de l’Ancien régime en France, le modèle nu est exclusivement masculin. Les statuts de l’Académie, en effet, prennent soin d’affirmer que les cours ne sont pas le prétexte de contacts à des fins de relations sexuelles (l’homosexualité n’étant pas supposée exister). Les rares femmes élèves sont exclues des cours de dessin d’après modèle nu. Elles seront admises à ceux de l’Académie Julian en 1880 et en 1897 à ceux de l’École des Beaux-Arts.

...

Livre d'Olivier Renault

Création et Histoire

Depuis des siècles, des artistes comme Matisse, Renoir, Degas ou encore Michel-Ange, ont immortalisé des corps humains dans leurs dessins, peintures ou sculptures, s’appuyant sur des modèles vivants pour saisir la beauté et la complexité de leur anatomie.

Dans l’art figuratif, le recours à un modèle vivant permet à l’artiste de s’assurer de la conformité de ce qu’il représente à une possibilité humaine ; le modèle contribue à renouveler son imagination pour lui éviter de reproduire sans cesse la même manière et s’éloigner de la nature. « On ne peut pas se contenter du dessin d’imagination. Il faut se confronter au vivant. » Selon André Lhote, écrivant en 1950, « pour les maîtres, le modèle pose un problème d’ordre plastique dont il est émouvant de chercher différentes solutions ».

...

Les esclaves de Michel Ange

Au XVIe siècle, Michel-Ange exalte la musculature et la perfection anatomique. La nouvelle figure idéale, héroïque et pleine de force, atteint son premier point culminant dans la grande fresque de la Bataille de Cascina. À l’origine de cette œuvre se trouve la rivalité avec la Bataille d’Anghiari, de Léonard de Vinci, l’autre fresque qui devait décorer la grande salle du Grand Conseil du Palazzo della Signoria à Florence. Aucune de ces deux représentations de batailles, les plus célèbres de l’histoire de l’art, n’est parvenue jusqu’à nous. L’étude anatomique de Michel-Ange, grâce au jeu de la musculature, donne au corps un aspect impressionnant tout en exprimant la vie intérieure turbulente, l’énergie, la passion et la force de volonté de ses créatures. Après les fresques monumentales de Michel-Ange à la chapelle Sixtine, la série de six sculptures représentant des esclaves reste aujourd’hui parmi ses œuvres majeures.

Au XIXe siècle, des jeunes femmes comme Madame Cavé ou Victorine Meurant gagnent leur vie en posant, faute de vivre de leur production artistique. Dans la position de modèle, elles observent dans l’atelier les méthodes et le style des peintres, apprennent de manière informelle certains aspects du métier, participent au milieu artistique. Suzanne Valadon, devenue célèbre pour son propre compte, confiera à un critique d’art quelques souvenirs de modèle : « chez Puvis de Chavannes, j’ai posée non seulement comme femme, mais aussi comme jeune gars. Je suis cet ephèbe qu’on voit ici, il a mes bras et mes jambes. Puvis me demandait de lui donner une attitude, un mouvement, un geste. Il transposait et il idéalisait ».

...

Joseph

C’est Géricault, dont il deviendra l’ami, qui lance la carrière de Joseph comme modèle à partir de 1818, en donnant ses traits à trois personnages du Radeau de La Méduse, dont l’homme de dos placé en vigie qui agite un foulard. Il deviendra un des modèles préféré des peintres de cette époque là. À partir de 1832, Joseph est l’un des trois seuls modèles masculins de l’École des beaux-arts. Modèle professionnel, il y perçoit un salaire de 45,89 francs.

Métier

...

Cours de dessin (école d'architecture)

Comme occupation professionnelle, le modèle d’art est, depuis qu’on en a des traces, à la limite de l’emploi formel et informel. Des écoles emploient des modèles, rémunérés à l’année. Une collecte parmi les étudiants, le « cornet » de papier où l’on glisse une pièce ou un billet, complète le faible salaire et témoigne de la popularité du modèle. Les artistes reconnaissent les modèles permanents, sans qu’ils soient nommés, dans les travaux de leurs collègues ; il recherchent une plus grande variété de corps à dessiner, ce qui ouvre la possibilité d’emploi de modèles occasionnels, dont la rémunération est décidée entièrement de gré à gré. N’exigeant aucun capital initial ni aucune formation, la position de modèle est ouverte à toute personne qui accepte d’en affronter les difficultés. Dans certains cas, le « cornet » devient le seul salaire. Au XXIe siècle, cette situation précaire, qui a été aussi celle des serveurs de cafés et restaurant, n’est plus officiellement admise en France. La rémunération non-déclarée persiste toutefois beaucoup chez les particuliers qui n’ont aucun moyen légal de rémunérer un modèle.

Le modèle dans la littérature

« Les possibilités narratives nées d’une intrigue entre peintre et modèle sont beaucoup plus nombreuses et faciles à exposer et développer qu’un discours sur la création ». La relation entre l’artiste et son modèle, vécue au XIXe siècle au moins, comme intime et trouble, a suscité de nombreuses pages de fiction, de théâtre et d’opéra comme dans Trilby de George du Maurier.

...

Par Gustave Courbet

Émile de La Bédollière trace en 1840 le portrait du modèle, poseur ou poseuse, profession décriée, dit-il, mais « partie intégrante de la matière première mise en œuvre par le peintre ou le sculpteur », qui mérite le respect. Cependant, la description qu’il en fait manque singulièrement de sympathie : le modèle, mal payé à trois francs par jour, fait tout pour réduire sa tâche. Il est des modèles célèbres dans les ateliers, quoique ignorés du public, comme Dubosc ; mais les « poseuses » n’avouent jamais leur profession, malgré l’histoire d’un modèle féminin idéalisé qu’a publiée Jules Janin.

Les frères Goncourt ont voulu décrire, dans Manette Salomon, l’apprentissage et la pratique artistique du temps de la Monarchie de Juillet. Le personnage qui donne son titre à ce roman qui passe pour la première représentation réaliste de la vie d’artiste au XIXe siècle est une femme qui pose pour les artistes. Les descriptions des méthodes et habitudes des ateliers s’accumulent, ainsi que les jugements de valeur, notamment l’antisémitisme mondain de la fin du siècle. On y constate la prédominance du modèle masculin : « trois semaines de modèle d’homme, une semaine de modèle de femme », avec les noms et particularités des plus célèbres ; tous engagés pour des poses d’une semaine en séances de cinq heures.

...

L'atelier du peintre

Amaury-Duval « tente de donner une idée de ce genre de métier aux gens du monde ». Vers 1825, le modèle pose cinq heures, toujours le matin, avec, comme aujourd’hui, un quart d’heure de repos à chaque heure. « Quatre francs pour les femmes, trois pour les hommes » ; le métier est « très dur et difficile. On ne sait pas la valeur d’un modèle qui comprend le mouvement que vous désirez, et qui sait le rendre ». Amaury-Duval cite néanmoins un homme, doté d’une belle barbe, qui se fait modèle à cause de la misère. À propos des femmes, il affirme que le « culte épuré du beau » protégeait alors la chasteté des poseuses, comme les appelait le beau monde ; mais que les temps ont changé.

En 1884, Émile Blavet est un des rares auteurs à décrire la fonction de modèle. Pour lui, les femmes modèles sont, avant tout, diverses. La pose suspend ce que la nudité peut avoir de scandaleux ou d’érotique. La femme modèle peut être modeste ou se faire une haute opinion de sa contribution à l’art. L’artiste apprécie, plus que son physique, sa capacité à bien poser.

...

Georges Seurat - Les Poseuses

En 1884, Selon Émile Blavet, un des rares auteurs à décrire la fonction de modèle, les femmes modèles sont, avant tout, diverses. La pose suspend ce que la nudité peut avoir de scandaleux ou d’érotique. La femme modèle peut être modeste ou se faire une haute opinion de sa contribution à l’art. L’artiste apprécie, plus que son physique, sa capacité à bien poser. La profession de modèle n’est pas plus rémunératrice au XXe siècle : « J’ai eu à Nice, trois modèles, trois jeunes filles de dix-sept à dix-huit ans, très jolies. Elles étaient figurantes au théâtre et elles posaient. Elles étaient vertueuses ; elles ne couraient pas. Elles avaient quelquefois très faim, tellement faim qu’elles se couchaient sur le ventre pour calmer les douleurs qu’elles avaient à l’estomac. Elles attendaient je ne sais quoi… le miracle.

Le point de vue du modèle peut être un projet littéraire. « J’existe pour l’œuvre, mais une fois l’œuvre finie on m’oublie. Et je suis assez heureuse de ça », écrit une philosophe, tandis qu’une autre porte son regard sur les dessinateurs. « Observer un corps nu sous tous les angles leur est devenu très naturel. La gêne s’installe quand ils entrent en contact avec le propriétaire rhabillé de ce corps dont ils connaissent chaque centimètre carré de peau. L’exposition de ma nudité installe une distance que je suis seule à pouvoir rompre ».

...

Par Hippolyte Flandrin

Reconnaissance du modèle

En 2008, à la suite de la suppression du cornet dans les Ateliers beaux-arts de la ville de Paris, des modèles manifestent en posant nus en plein mois de décembre dans la cour de la Direction des affaires culturelles. Cette initiative spectaculaire amène les modèles à dénoncer le manque de considération pour leur profession et à créer des organisations professionnelles qui demandent la valorisation et la reconnaissance du métier de modèle et sa distinction du mannequinat bien qu’elles puissent diverger sur les perspectives statutaires du métier.

Le témoignage de ces collectifs de modèles sur leur corps de métier fait état de leurs conditions de travail et de la condition particulière de la personne qui paraît nue en vue des travaux des personnes habillées qui la scrutent.

Depuis 2008, ces revendications ont ranimé une certaine conscience de l’apport du modèle à l’enseignement et à la création. Dans les années 1920, les amateurs d’art ne méprisaient pas le témoignage des modèles. Un mouvement de modèles avait déjà réclamé une augmentation des salaires en 1926.

Source : wikipedia... entre autres.